CINĂMA
TROP TARD (TARDE DEMAIS)
Vitor Norte, Adriano Luz, Nuno Melo
Portugal
1h35
12 juillet 2000
AprĂšs le raz de marĂ©e Titanic et avant la probable houle suscitĂ©e par En pleine tempĂȘte (Ă l’affiche le 9 aoĂ»t 2000), Trop tard se positionne comme l’outsider plus quâacceptable dâun sous-genre en pleine expansion : le film de naufrage. Cette production Paulo Branco nâa -on sâen serait doutĂ©- que peu de choses Ă voir avec les blockbusters dont il partage, Ă premiĂšre vue, la thĂ©matique. Il est, Ă ce titre, saisissant de constater Ă quel point Jose Nascimento, le rĂ©alisateur, sâest dĂ©tournĂ© de tout effet de spectacle, des Ă©cueils de la grandiloquence et du tapage. Tout dâabord, son naufrage est microscopique : quatre pĂȘcheurs se retrouvent piĂ©gĂ©s dans les eaux du Tage, Ă marĂ©e basse. Aucune emphase dans ces prĂ©mices. Au contraire, le metteur en scĂšne joue subtilement de la quiĂ©tude de lâĂ©lĂ©ment aquatique. Les naufragĂ©s peuvent se dĂ©placer, voient les cĂŽtes lisboĂštes au loin mais sont prisonniers du plus familier des ennemis, le fleuve qui les fait vivre et dont ils tirent leur identitĂ©, menace stagnante et figĂ©e.Nul besoin dâune armĂ©e de figurants pour dĂ©peindre le dĂ©sespoir, JosĂ© Nascimento sâattache dĂšs le dĂ©part Ă des problĂšmes humains et relationnels en filmant au plus prĂšs la dĂ©tresse. Celle qui sâextĂ©riorise sur les visages, dans la violence des Ă©changes verbaux, se lit sur les corps transis de froid, dĂ©trempĂ©s, Ă la lisiĂšre du renoncement. Le metteur en scĂšne fait le choix du dĂ©pouillement contre le lyrisme, lâesprit de fresque et lâĂ©motion facile. Les personnages rugueux de Trop tard ne sont guĂšre aimables ; leur ĂąpretĂ©, leur lĂąchetĂ©, leur effroi expriment dâautant mieux la peur de la mort, lâhumanitĂ© de cette peur dans ce quâelle contient de trivial aussi bien que de mĂ©taphysique.
Si passĂ©e son audacieuse premiĂšre demi-heure, paradoxal huis clos en espace ouvert, le film se dirige vers une issue attendue et perd de sa rigueur lorsquâil met pied Ă terre, sa force initiale ne sâestompe pas totalement et se rĂ©percute sur dâautres scĂšnes, plus espacĂ©es. Ces moments -telle la dĂ©couverte dâun cadavre figĂ© sur un Ăźlot- laissent supposer lâĂ©mergence dâun vĂ©ritable cinĂ©aste avec lequel il semblerait dĂ©sormais falloir compter.
Frank Beauvaisle 03 juillet 2000